stereotype
Il n’était même plus sur que ça se soit vraiment passé. Il arpentait les rues avec ce sentiment de n’être qu’une caricature du mec tout seul que tout le monde a laissé tombé, un type indescriptible sinon avec des synonymes des qualificatifs précédemment utilisés pour le décrire. Et c’est ce qu’il était. Il n’arrivait pas à penser à autre chose qu’à ça. Ou plutôt il tentait de se persuader qu’il ne pensait qu’à ça. Parce que, finalement, il n’en avait pas vraiment grand chose à foutre. D’ailleurs, ça l’emmerdait bien de se morfondre dans cette condition désastreuse. Le soir il rentrait chez lui avec ce goût d’alcool dans la bouche, goût d’alcool qu’il ne sentait d’ailleurs plus trop, parce qu’on ne sent plus grand chose quand on en a trop bu. Alors il s’asseyait devant son ordinateur, chattait avec des garçons homosexuels, parce qu’on ne trouve jamais de femme chaude sur internet. Ou alors très rarement. Et comme lui n’en trouvait pas, il se faisait draguer par des homos, et surfait sur des sites de cul, avec des femmes, pour quand même avoir matière à masturbation. Encore une fois, il était dans la caricature. Mais là , il ne s’en rendait même pas compte. Alors, exaspéré que jusque là, le livre ne parle que de lui, il se mit au lit, de façon à ce que celui que l’on nomme narrateur n’ait plus rien à dire. Celui-ci tenta bien de décrire le sommeil agité, la bave qui coulait sur les lèvres, mais ce fut une perte de temps, car l’homme avait un sommeil tranquille. Il ne bougeait pas d’un millimètre. Le narrateur aurait pu quand même le décrire, mais il avait mieux à faire. Et puis le lecteur commençait déjà sérieusement à s’ennuyer, malgré les tentatives de sujets sexuels qui auraient du l’accrocher. Alors il décida d’envoyer dans la chambre quatre agents spéciaux. Il les choisit bien distincts les uns des autres, que les caractères soient bien marqués, et que le lecteur puisse s’identifier à l’un ou à l’autre. Le premier s’appelait Bob. Il était assez mince, portait des lunettes, et utilisait un vocabulaire assez châtié. Il était très intelligent, en tous cas plus que les trois autres, et avait une assez bonne culture générale. Bref, c’était le stéréotype de l’intello. Pour les trois autres, le narrateur ne voulait pas fatiguer le lecteur. Alors il abrégea en disant simplement que John était le stéréotype du black, Bill le stéréotype du gros, et Lili le stéréotype de la femme. Il s’était pas cassé le cul sur ce coup la, le narrateur. Mais il remarqua soudain qu’il commençait à un peu trop parler de lui, et pas assez de ses personnages. Alors ils s’esquiva.
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